Je ne sais pas s’il est possible de vraiment parler d’une découverte mais quel autre mot utiliser ?
Je suis out depuis 2008, j’ai fréquenté le milieu LGBT angevin jusque 2016 (environ). Donc je voyais un minimum ce qu’étais le drag. Et même avant ça avec la télé, les C’est mon choix et autres conneries je pouvais avoir une vision du drag. Mais une vision faussée ?
C’est compliqué pour une femme trans de s’intéresser au drag.
Déjà par le risque de voir sa féminité quotidienne considérée comme un costume. Il y a tout un trope transphobe (et même transmisogyne) sur l’idée que les femmes trans seraient en fait des hommes en costumes cherchant à « piéger » les hommes hétérosexuels.
Il y a aussi le problème de transphobie (encore souvent de la transmisogynie) du drag.
Quand une drag queen anglaise explique que les femmes trans sont des mecs qui veulent se faire mettre un trou pour se faire fourrer par d’autres mecs on voit non seulement sa méconnaissance des luttes trans mais aussi un mépris (voire de la haine).
On peut parler de RuPaul, surement la plus grande célébrité drag dans le monde et qui a popularisé la pratique via ses RuPaul Drag Race. RuPaul qui est aussi connu pour un côté moins glorieux, ses régulières sorties transphobes (toujours de la transmisogynie). Considérer que les femmes trans ne peuvent pas vraiment faire de drag, que le drag des femmes trans ne peut pas être subversif ou encore que la différence entre une drag queen et une trans c’est 25 000 dollars et un bon chirurgien. On ne va pas disserter d’avantage sur RuPaul. Je comprends qu’il représente beaucoup pour certaines personnes queers (j’emploie « queer » comme terme ombrelle pour qualifier l’ensemble des personnes Lesbiennes ou Gays ou Bi-e-s et/ou Trans) mais à cause de ses positions je ne suis pas capable de profiter de ses Drag Race. Après si Ru me donne l’adresse de son chirurgien et quatre ou cinq mille dollars je lui pardonne tout.
Le drag n’est pas exempt de transphobie. C’est un fait.
Mais ce serait un peu facile de considérer RuPaul comme étant le fautif dans l’histoire. Le drag n’est pas hors sol, c’est une pratique qui s’inscrit dans la société. Et dans le drag on retrouve les mêmes problèmes qu’ailleurs, y compris la transphobie. Bien sûr il est normal d’attendre mieux et de se battre pour faire avancer les choses.
Mais il faut aussi faire une autocritique, est-ce que les trans sont irréprochable concernant les Drag Queens ?
Je ne sais pas.
Je crois en avoir déjà entendu parlé me suis intéressée de plus près au Drag grâce à des écrits de Leslie Feinberg, plus particulièrement Stone Butch Blues mais aussi son Mouvement de Libération Transgenre. Feinberg croyait en la possibilité d’un mouvement militant « transgenre » réunissant entre autres « transsexuel-le-s » et drags. Ici je reprends les terme utilisé par Feinberg, transgenre désignant un ensemble de « hors la loi du genre » et « transsexuel-le-s » les gens faisant une transition.
Cette idée repose en partie sur le vécu de Feinberg, cette union a été une réalité (en tout cas aux US). On peut aussi le voir si on s’intéresse au S.T.A.R de Sylvia Rivera et Marsha P. Johnson.
« You go to bars because of what drag queens did for you, and these bitches tell us to quit being ourselves! »
Sylvia Rivera – Militante Trans et drag queen
New-York Pride 1973 (attention c’est eprouvant)
A quel moment avons-nous merdé pour passé de cette union aux positions transphobes de célébrité drags ?
Peut-être avons-nous, a un moment, jeté des drags sous le bus. Dans l’espoir d’être mieux accepté-e-s par la société en s’intégrant et en devenant de gentil-le-s cis ?
C’est une supposition mais je pense que ça pourrait avoir une part de réalité. Il est compliqué de condamner des militant-e-s trans qui auraient fait ce choix, c’est comme les trans qui défendent la psychiatrisation ou le fait qu’il faudrait absolument l’opération de chirurgie génitale pour être trans. A mes yeux ce sont des ennemies politiques. Mais ce sont aussi des personnes trans qui ont développé une stratégie dans un monde hostile, fait par et pour les cis.
Andrea Dworkin considérait sûrement les femmes de droite comme des ennemies politiques mais je ne pense pas qu’elle les haïssait pour autant.
Peut-être qu’on ne saura jamais ou cela a cloché entre drags et trans (et autres hors la loi du genre). Mais peut-être que ce n’est pas si important que cela. En tout cas c’est ce que je pense. Je suis plutôt dans l’idée qu’il vaut mieux réfléchir à la possibilité de recréer un front commun et voir ce qu’on pourrait faire aujourd’hui.
C’est un peu avec cet objectif que j’ai pris contact avec Rennes Dragopole. J’ai découvert un groupe assez bienveillant et leurs live insta (maquillages et shows) m’ont aidé à tenir lors du premier confinement.
Je me suis alors ouverte à la communauté drag et j’ai découvert que oui, il y a des possibilité d’alliances avec les mouvements trans, d’autant qu’il y a toujours des drags trans. Ca ne veut pas dire que tout ce passera bien, qu’il n’y aurait pas de différents et d’oppositions mais c’est quelque chose qu’il y a aussi entre trans.
Une autre découverte c’est que l’esthétique drag me plaisait bien et j’ai commencé à avoir envie d’essayer.
J’ai fini par franchir le pas et par prendre du plaisir.
Cassinterview : Smoothie Kassy
K6 : Bonjour, on va commencer par la question habituelle, peux-tu te présenter ?
Smoothie : Coucou ! Je suis Smoothie Kassy mais vous pouvez m’appelez Smoothie et je suis une jeune drag. Jeune pour dire que je suis débutante, je suis pas sûre que quand on a passé les 25 ans on peut dire qu’on est encore jeune. Je suis la colocataire de K6, je ne suis pas très douée avec les réseaux sociaux heureusement tu me laisses utiliser tes comptes.
K6 : Que penses-tu des luttes trans ?
Smoothie : C’est important de les soutenir mais ce n’est pas ma place. J’ai des opinions politiques, de gauche, mais je laisse ce qui est militantisme à K6.
K6 : Et crois-tu que les drags peuvent apporter quelque chose aux luttes trans ?
Smoothie : Oui, il n’y a qu’à voir comment notre cohabitation. Même si ça ne fait pas longtemps je t’encourage, je t’aide à avoir d’avantage confiance en toi, je te donne des tips en maquillage. Bon on est d’avantage dans le care, une approche personnelle. Mais ça donne espoir, non ? Il faudrait peut-être voir avec des drags plus expérimentées que moi, réfléchir à ce qui pourrait être fait, en quelles circonstance et tout.
K6 : Avec celles de Rennes ?
Smoothie : J’aimerais bien car c’est celles dont je me sens le plus proche (y compris géographiquement) mais comme j’ai dit on verra ça plus tard, si j’ai des possibilités avec d’autres drags je peux y réfléchir. D’ailleurs tu veux pas t’en occuper ? C’est ton truc le militantisme.
K6 : Quels sont tes projets pour 2021 ?
Smoothie : Alors déjà je vais continuer à t’accompagner dans tes projets, t’encourager et essayer de te garder motivée. Et pour le reste tu le sais bien. On a une petite idée pour janvier, sur Twitch et je vais t’embêter (amicalement) pour que ça se réalise.
K6 : Oui mais tu peux en dire un peu plus, un show ?
Smoothie : Non, ce n’est pas mon truc. Ou peut-être que ton insécurité m’a contaminé sur ce point. Peut-être que j’essayerai un jour si j’en ai l’occasion mais ce n’est pas prévu dans l’immédiat. Là ce sont des petits live Twitch, si possible un par mois, où je ferais des cours de maths pour tout le monde.
K6 : Des cours de maths ?
Smoothie : Oui. C’était ton idée à la base. Comme moi aussi j’aime bien les maths, je vais le faire. Si tu m’aides à préparer les cours ça devrait le faire. J’avais aussi bien aimé ton jeu de rôle « Shadowrun Drag on Fall » et proposer du jeu de rôle en drag (sur table virtuelle) ça pourrait être fun, un truc genre Donjon et On Drag.
K6 : Et tu vas aussi squatter mon blog ?
Smoothie : Le blog je pense que je vais te le laisser. Juste t’emprunter de temps en temps ton compte insta, ton compte twitch et parfois ton twitter ça m’ira.
K6 : Merci pour cette petite interview Smoothie, au plaisir de te revoir bientôt.
Smoothie : A bientôt ♥
Le monde de K6 
Une réflexion sur “K6 découvre : Devenir une Queen !”